PoèmesMa bohème

Ma bohème

Insouciance vagabonde

Revenant d’une randonnée de plusieurs jours le long des champs et des grèves en Bretagne, sur les pas de Flaubert et de son ami Maxime Du Camp en 1847*, j’ai pensé que cette poésie illustrait parfaitement le temps des vacances, de l’insouciance et de la bohème.

Flaubert et Du Camp partirent trois mois, sac au dos, sans itinéraire précis, mais dans une grande communion d’amitié vagabonde: « Sac au dos et souliers ferré aux pieds, nous avons fait sur les côtes environ 160 lieues à pied, couchant quelquefois tout habillés […] ».

De même, Rimbaud, poète prodige du haut de ses 16 ans, s’évadait de Charleville mais cette fois seul, pour des fugues lointaines. Ce célèbre sonnet en garde le souvenir amusé. Quelques années plus tard, « l’homme aux semelles de vent » (la formule est de Verlaine) s’évadera encore dans le désert d’Abyssinie, il semble alors renoncer à toute forme d’écriture, pour se faire trafiquant d’armes et d’ivoire. Pourtant, un autre grand poète, René Char, lui rendra hommage: « Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi »**.

J’aime ce poème car il évoque si bien le temps de notre adolescence, où l’on rêvait de liberté et d’aventures extraordinaires.

Alors évadez-vous et partez sur les routes, le temps de votre lecture, puissiez-vous garder cette jeunesse d’âme !

Anne Capron

Vice-Président

* Par les champs et par les grèves, Gustave Flaubert et Maxime Du Camp, Charpentier, 1886.

** « La fontaine narrative », Fureur et mystère, Gallimard, 1948.

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Ma bohème

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !

Arthur Rimbaud, Cahier de Douai (1870)

Illustration : Paysage de Bretagne, Anne Capron, juillet 2023.

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