PoèmesLa courbe de tes yeux

La courbe de tes yeux

À l’amour

Une de nos adhérentes m’a demandé un poème d’amour… Vaste et difficile choix, tellement ce thème est cher à la poésie et développé depuis des siècles, l’invention de l’écriture en fait et même probablement l’invention du langage oral! L’Amour est ce qui nous meut, de toute éternité, que ce soit l’amour humain ou l’amour divin.

J’ai parcouru des anthologies, innombrables, me suis remémoré quelques poèmes que je connaissais. J’ai hésité, un homme? Une femme? Classique? Contemporain? De Louise Labé au XVIème siècle « Je vis, je meurs », à Robert Desnos au XXème siècle « J’ai tant rêvé de toi », en passant par Anna de Noailles « Aimer, c’est de ne mentir plus », ou Stéphane Mallarmé « Apparition ». Et je n’évoque même pas les poètes contemporains qui ont tout autant de talent sur le sujet.

Finalement, choisir c’est renoncer et j’ai donc choisi « La Courbe de tes Yeux », un des plus beaux poèmes de Paul Éluard. C’est un poème écrit en 1924 et publié en 1926 dans le recueil « Capitale de la Douleur ». Il est écrit juste après sa séparation avec sa première femme Gala, d’origine russe, qu’il aime encore. Le poète surréaliste célèbre la femme aimée, sensuelle, mais aussi douce et maternelle, le tout dans un mouvement circulaire qui évoque l’élan vital.

J’aime ce poème pour ces images de légèreté, de pureté et de fraîcheur qu’il suscite et la capacité d’Éluard à nous faire rêver avec sa magie des mots « mousse de rosée », « paille des astres », « couvée d’aurores ».

Et juste pour le plaisir, j’ai joint un deuxième poème « On ne peut me connaître », plus tardif, de 1936.

Très bonne lecture !

Anne Capron

Vice-Président

 

________

La courbe de tes yeux…

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d’une couvée d’aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Paul Éluard, Capitale de la douleur, 1926.
****

On ne peut me connaître

On ne peut me connaître
Mieux que tu me connais

Tes yeux dans lesquels nous dormons
Tous les deux
Ont fait à mes lumières d’homme
Un sort meilleur qu’aux nuits du monde.

Tes yeux dans lesquels je voyage
Ont donné aux gestes des routes
Un sens détaché de la terre

Dans tes yeux ceux qui nous révèlent
Notre solitude infinie
Ne sont plus ce qu’ils croyaient être

On ne peut te connaître
Mieux que je te connais.

Paul Eluard, Les yeux fertiles, 1936.

Illustration : Pablo Picasso, Portrait de Dora Maar, 1937. Eluard, son grand ami, lui dit : «Tu tiens la flamme entre tes doigts et tu peins comme un incendie ».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Inscrivez-vous à la newsletter