Pluie

En mai

C’est le mois de mai, et l’on fait paraît-il, ce qu’il nous plaît, alors pour aller sur un registre plus léger que celui de la politique mais quand même lié de loin au thème actuel de l’écologie, j’ai décidé de vous parler ce matin de ce que nous avons sous les yeux: la pluie!

Source de vie, j’espère qu’elle vous apportera un peu de fraîcheur bienvenue pour apaiser nos corps et nos âmes assoiffés!

Théophile Gautier (1811-1872), chroniqueur littéraire prolixe, grand écrivain et poète romantique, fut l’ami de Nerval, Hugo, Balzac et bien d’autres. Extrêmement talentueux, il s’essaya aussi au théâtre et révolutionna même l’art chorégraphique en créant le célèbre ballet « Gisèle ».

Baudelaire se déclara son disciple (il lui dédia « Les Fleurs du mal», le qualifiant de « poète impeccable »), Théodore de Banville lui dédia également ses vers. En 1844, Théophile Gautier fonda le club des Hashischins avec Jacques-Joseph Moreau, club voué à l’étude du cannabis. Ce club sera fréquenté par de nombreux artistes de l’époque dont Charles Baudelaire.

Élu en 1862 président de la Société nationale des Beaux-Arts, cette élection à un poste en vue provoqua l’envie d’une partie des écrivains moins connus et il échoua malheureusement à trois reprises lorsqu’il se présenta à l’Académie française.

Bonne lecture !

Anne

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Pluie

Ce nuage est bien noir : – sur le ciel il se roule,

Comme sur les galets de la côte une houle.
L’ouragan l’éperonne, il s’avance à grands pas.
– A le voir ainsi fait, on dirait, n’est-ce pas ?
Un beau cheval arabe, à la crinière brune,
Qui court et fait voler les sables de la dune.
Je crois qu’il va pleuvoir : – la bise ouvre ses flancs,
Et par la déchirure il sort des éclairs blancs.
Rentrons. – Au bord des toits la frêle girouette
D’une minute à l’autre en grinçant pirouette,
Le martinet, sentant l’orage, près du sol
Afin de l’éviter rabat son léger vol ;
– Des arbres du jardin les cimes tremblent toutes.
La pluie ! – Oh ! voyez donc comme les larges gouttes
Glissent de feuille en feuille et passent à travers
La tonnelle fleurie et les frais arceaux verts !
Des marches du perron en longues cascatelles,
Voyez comme l’eau tombe, et de blanches dentelles
Borde les frontons gris ! – Dans les chemins sablés,
Les ruisseaux en torrents subitement gonflés
Avec leurs flots boueux mêlés de coquillages
Entraînent sans pitié les fleurs et les feuillages ;
Tout est perdu : – Jasmins aux pétales nacrés,
Belles-de-nuit fuyant l’astre aux rayons dorés,
Volubilis chargés de cloches et de vrilles,
Roses de tous pays et de toutes famines,
Douces filles de Juin, frais et riant trésor !
La mouche que l’orage arrête en son essor,
Le faucheux aux longs pieds et la fourmi se noient
Dans cet autre océan dont les vagues tournoient.
– Que faire de soi-même et du temps, quand il pleut
Comme pour un nouveau déluge, et qu’on ne peut
Aller voir ses amis et qu’il faut qu’on demeure ?
Les uns prennent un livre en main afin que l’heure
Hâte son pas boiteux, et dans l’éternité
Plonge sans peser trop sur leur oisiveté ;
Les autres gravement font de la politique,
Sur l’ouvrage du jour exercent leur critique ;
Ceux-ci causent entre eux de chiens et de chevaux,
De femmes à la mode et d’opéras nouveaux ;
Ceux-là du coin de l’oeil se mirent dans la glace,
Débitent des fadeurs, des bons mots à la glace,
Ou, du binocle armés, regardent un tableau.
– Moi, j’écoute le son de l’eau tombant dans l’eau.

Théophile Gautier, Premières poésies, 1878.

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