Paris

Résistance
Louis Aragon (1897- 1982) est l’un des animateurs du dadaïsme parisien et du surréalisme. Après sa rupture avec le surréalisme en 1931, il s’engage pleinement dans le Parti communiste français, auquel il avait adhéré en 1927, et dans la doctrine littéraire du régime socialiste. Il restera d’ailleurs étonnamment naïf ou lâche vis-à-vis des exactions soviétiques, jusqu’à la mort de Staline en 1953 : il publie ainsi le poème « Vive le Guépéou » en 1931!

La défaite de 1940 marque un tournant dans sa poésie, et Aragon se tourne alors vers une réinterprétation de la tradition poétique et romanesque. Dans ce poème, écrit en 1944 alors que Paris est encore occupé, Aragon revendique la liberté dans tous les sens du terme (absence totale de ponctuation typiquement surréaliste) et porte l’espoir d’une libération prochaine d’un Paris magnifié.

Malgré les souffrances, les privations et l’humiliation de l’occupation allemande, Paris reste comme un flambeau dans une nuit noire, malgré « les carreaux cassés » on peut voir la lumière au dehors : Paris reste fort malgré la guerre et la destruction.

En ces moments terribles pour l’Ukraine, j’ai souhaité partager avec vous ce magnifique poème. Bonne lecture!

Anne.

Paris

Où fait-il bon même au cœur de l’orage
Où fait-il clair même au cœur de la nuit
L’air est alcool et le malheur courage
Carreaux cassés l’espoir encore y luit
Et les chansons montent des murs détruits

Jamais éteint renaissant de la braise
Perpétuel brûlot de la patrie
Du Point-du-Jour jusqu’au Père-Lachaise
Ce doux rosier au mois d’août refleuri
Gens de partout c’est le sang de Paris

Rien n’a l’éclat de Paris dans la poudre
Rien n’est si pur que son front d’insurgé
Rien n’est ni fort ni le feu ni la foudre
Que mon Paris défiant les dangers
Rien n’est si beau que ce Paris que j’ai

Rien ne m’a fait jamais battre le cœur
Rien ne m’a fait ainsi rire et pleurer
Comme ce cri de mon peuple vainqueur
Rien n’est si grand qu’un linceul déchiré
Paris Paris soi-même libéré

Louis Aragon, 1944

Louis Aragon (1897-1982)

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