PoèmesLa mort et le bûcheron

La mort et le bûcheron

Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ?

La rentrée est déjà bien derrière nous, avec son cortège de petites râleries qu’adultes comme enfants ressassent : quelques PV et avis d’imposition arrivés pendant l’été, puis une ou deux mauvaises nouvelles lors du retour au bureau, facile de se plaindre. Pour les plus jeunes, c’est une nouvelle-classe-sans-aucun-copain-je-connais-personne ou encore avec-que-des-élèves-super-forts-ça-va-être-l’horreur.

Impossible, à chaque rentrée de septembre, de ne pas penser à ce pauvre bûcheron de La Fontaine qui rumine son malheur avant de se reprendre face à la mort.

J’aime ce poème malgré la peinture bien sombre de notre condition humaine, qui par contraste nous invite, avec le vers « Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ? » à relire les moments heureux de nos existences. Quoi de mieux pour combattre l’accablement qu’une évasion vers les souvenirs joyeux et la recherche des douceurs du quotidien. Pour ceux qui sèchent, je suggère évidemment de lire quelques poèmes, d’en apprendre un ou deux en famille, et les dire ensemble régulièrement : émerveillement garanti !

Bonne lecture et bonne rentrée !

Laurent Malhomme

Vice-Président

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La Mort et le Bûcheron

Un pauvre Bûcheron, tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé, marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
Enfin, n’en pouvant plus d’effort et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur,
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier et la corvée
Lui font d’un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la Mort. Elle vient sans tarder,
Lui demander ce qu’il faut faire.
« C’est, dit-il, afin de m’aider
À recharger ce bois ; tu ne tarderas guère. »
Le trépas vient tout guérir ;
Mais ne bougeons d’où nous sommes :
Plutôt souffrir que mourir,
C’est la devise des hommes.

Jean de La Fontaine (1621-1695) – Fables, Livre I (1668)

Illustration : Gustave Doré (1832–1883) La Mort et le Bûcheron

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