PoèmesJ’aurais aimé t’emprunter tes yeux

J’aurais aimé t’emprunter tes yeux

Coup de coeur

Je ressasse, je ressasse encore et toujours quelques jours plus tard…


C’est bon signe,

c’est bien lui,

le texte de l’ouvrage d’Abdellatif Laâbi que j’ai choisi d’investir et d’apprendre par cœur. Avec l’amour comme thème principal, j’étais déjà dans mes pensées pour mes vœux 2024.

Ce choix d’« Amour jacaranda » comme celui d’une intention profonde pour chacun d’entre vous, adhérents APPF. Voyez dans ce partage, plus qu’un envoi de notre lettre bimensuelle, une réelle volonté de vous souhaiter, du fond du cœur, une magnifique année 2024.

Le sensible véhiculé à travers notre projet, des textes parcourus et partagés, vus comme une évidente nécessité dans ce monde en turbulence, afin de créer encore davantage d’occasions de liens plus forts et d’ouvertures plus grandes.

Alors, il ne vous reste plus qu’à lire ce voyage à l’intérieur de soi, puis vers le cosmos, puis l’invitation de l’autre à faire ce même voyage, pour finir à l’unisson de leur voix jusqu’à l’extase. Assez court, en prose, d’une apparente simplicité, ce texte vous embarque dans une immense balade. C’est cette prouesse qui m’a tant séduit.

Abdellatif Laâbi, né à Fès en 1942, est un traducteur, écrivain et poète marocain. Il a fondé en 1966 la revue Souffles qui jouera un rôle considérable dans le renouvellement culturel au Maghreb. Son combat lui vaut d’être emprisonné de 1972 à 1980. Il s’est exilé en France en 1985. Il reçoit le prix Goncourt de la poésie le 1er décembre 2009 et le Grand Prix de la Francophonie de l’Académie française en 2011.

Écrivain de langue française, son écriture recèle une grande humanité toujours soucieuse du combat à mener pour plus de justice et plus de liberté. Passeur de poésie, il œuvre sans relâche dans ses rencontres comme dans son travail d’écrivain pour un véritable dialogue, un réel partage, afin qu’existe la paix entre les différentes cultures.

Il a écrit : « La poésie est tout ce qui reste à l’homme pour proclamer sa dignité, ne pas sombrer dans le nombre, pour que son souffle reste à jamais imprimé et attesté dans le cri ».

Bref, on est en phase !

Bonne lecture, à voix haute, en recherchant le rythme, le sens et le souffle.

Bonne année 2024!


Matthieu Jacquillat
Président APPF

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J’aurais aimé t’emprunter tes yeux

J’aurais aimé
t’emprunter tes yeux
pour me regarder
un peu comme tu me regardes
Te prêter les miens
pour que tu me regardes
un peu, beaucoup
comme je te regarde
Avec tes yeux
j’aurais aimé voir au fond
au fin fond de moi-même
traverser avec assurance
les nues attardées de mes ténèbres
reconnaître sans plus de honte
mes faiblesses
mes limites
mes angoisses
Me pencher
sur les vraies blessures
qui ont refusé de se refermer
me rapprocher autant que possible
de cette énigme
que je sais mienne
assez simple au fond
et pourtant impénétrable :qui suis-je
et pourquoi suis-je ainsi ?
Ô vie, roide
fulgurante
harcelée
ravageuse
rebelle à l’apaisement
sans dieu ni maître
ni barreaux de certitude
tendue comme un arc
entre des mains inexpertes
malgré tout illuminée
de bout en bout
par un feu
perdu dans les constellations
mais visible à l’œil nu
cet œil mien
qui revient de son périple
et se pose à l’instant sur toi
pour te regarder
un peu comme tu me regardes
et te convier
si le cœur t’en dit
à voir au fond
au fin fond de toi-même
pour que nous puissions nous
rejoindre
là où ton énigme et la mienne
reposeraient côte à côte
comme deux amants
s’apprêtant aux confidences
prélude aux caresses
à la fusion des éléments
à l’apothéose»


© Poésie extraite du chapitre « je t’ai vue »
Recueil Amour-Jacaranda – Abdellatif Laâbi – 2011 – Edition de la Différence.

Illustration : « Gracas por el rosa » – 2022 – Vogel Apacheta, choisie pour mes voeux papier 2024 d’Arts Affaires – www.artsaffaires.com.

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