PoèmesConseil tenu par les rats

Conseil tenu par les rats

Les Anciens et les Modernes

Comment rebondir sur le précédent éditorial qui trouvait, à juste raison, que Hugo prenait un peu trop de place dans nos envois (quatre sur onze) ?!
Qu’on se le dise, l’APPF est une tribune littéraire, les débats seront animés, et dès jeudi prochain, pour les fidèles des fidèles, nous pourrons revivre la querelle des Anciens et des Modernes.

Elle pourra d’ailleurs nous aider dans la perspective du prix littéraire que nous allons remettre cette année à un auteur contemporain : comment déceler chez les modernes celui qui deviendra un jour un ancien ? Prenez position, relisez les arguments des classiques conduits par Boileau ou des modernes en rang derrière Charles Perrault, ce sera passionnant !

Hugo sera présent au moins par l’adresse du restaurant, mais d’ici là, je m’incline et il s’éclipse.

Aujourd’hui, Jean de La Fontaine (1621-1695) est à l’honneur, lui qui fut, en son temps, un fervent partisan des Anciens, considérant que les chefs-d’œuvre sont le fait de la seule postérité.

Si je choisis ce poème aujourd’hui, dans ce style, la fable, que La Fontaine remit au goût du jour pour la plus grande joie des écoliers et de leurs parents, c’est aussi en pensant à notre président (en France), tout occupé à trouver son prochain premier ministre et le gouvernement qui viendra avec. On est habitué avec La Fontaine aux animaux plus ou moins nobles auxquels on prête les qualités et les défauts des hommes. Le renard flatteur est dans toutes les mémoires depuis le primaire et gageons que notre président sache les reconnaître. Saura t-il trouver en revanche la perle rare, l’homme ou la femme d’action ?

J’aime ce poème bien ancien, d’une incroyable modernité !

Bonne lecture,

Laurent

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Conseil tenu par les Rats

Un Chat, nommé Rodilardus
Faisait des Rats telle déconfiture
Que l’on n’en voyait presque plus,
Tant il en avait mis dedans la sépulture.
Le peu qu’il en restait, n’osant quitter son trou,
Ne trouvait à manger que le quart de son sou,
Et Rodilard passait, chez la gent misérable,
Non pour un Chat, mais pour un Diable.
Or un jour qu’au haut et au loin
Le galant alla chercher femme,
Pendant tout le sabbat qu’il fit avec sa Dame,
Le demeurant des Rats tint chapitre en un coin
Sur la nécessité présente.
Dès l’abord, leur Doyen, personne fort prudente,
Opina qu’il fallait, et plus tôt que plus tard,
Attacher un grelot au cou de Rodilard ;
Qu’ainsi, quand il irait en guerre,
De sa marche avertis, ils s’enfuiraient en terre ;
Qu’il n’y savait que ce moyen.
Chacun fut de l’avis de Monsieur le Doyen,
Chose ne leur parut à tous plus salutaire.
La difficulté fut d’attacher le grelot.
L’un dit : « Je n’y vas point, je ne suis pas si sot »;
L’autre : « Je ne saurais. » Si bien que sans rien faire
On se quitta. J’ai maints Chapitres vus,
Qui pour néant se sont ainsi tenus ;
Chapitres, non de Rats, mais Chapitres de Moines,
Voire chapitres de Chanoines.
Ne faut-il que délibérer,
La Cour en Conseillers foisonne ;
Est-il besoin d’exécuter,
L’on ne rencontre plus personne.

Jean de La Fontaine, Fables, Livre II.

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