Redonnez-leur
Vive l’APPF Jeunes !
Chers amis,
En 2023, l’APPF continue à grandir! Entre autres projets, nous avons la joie et l’honneur de vous présenter Gaspard Doumenc, qui nous rejoint pour lancer le pôle Jeunes de l’APPF. Encore étudiant, il a la charge de développer notre association auprès des jeunes: adolescents, étudiants et professionnels. Nous lui avons donné comme premier défi de présenter la prochaine poésie, la voici!
A suivre encore très prochainement,
Matthieu Jacquillat,
Président.
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C’est une tâche périlleuse qui m’a été confiée : présenter un poème qui me touche particulièrement et par la même occasion, me présenter moi, Gaspard, Vice-Président tout juste nommé de la branche Jeunes de l’APPF, récemment créée.
Jeune, je le suis encore. Vice-Président, je le suis depuis peu, investi de pouvoirs dont je mesure à peine la portée. Poète ? J’ai renoncé, nous le verrons.
J’ai choisi un poème de René Char, « Redonnez-leur », paru en 1948.
J’ai d’abord aimé ce poème pour deux vers : « Car rien ne fait naufrage et ne se plaît aux cendres // et qui sait voir la terre aboutir à des fruits… », des alexandrins superbes qui ne demandent qu’à être appris par cœur.
Il est pourtant rare que ma mémoire mendie ainsi des récitations, encore traumatisée par ce trou terrible, aux alentours du troisième vers, dans la récitation de « L’automne » par Maurice Carême, en 2008, devant toute la classe de CE1 B.
C’est un poème dont la langue est plutôt facile et les images accessibles. C’est sans doute pourquoi je l’ai choisi, parmi toute l’œuvre de Char qu’il m’ait été donné de lire. C’est un poète qui me fascine : sa poésie est dense et belle, sa vie est exemplaire de courage et de rigueur, ses amitiés sont fameuses, sa pensée quoique infusée et discrète – il ne voulait pas être un poète philosophe – est camarade d’Héraclite et de Nietzsche (Veyne parle de « nietzschéisme diffus » pour la qualifier, notamment sur la morale). Mais bien souvent je ne le comprends pas : alors les mots me séduisent, le sens m’échappe et j’en suis désespéré. Or il y a un sens, car Char est un poète, pas un sonneur, mais j’ai alors comme l’impression que nous parlons deux langues différentes.
Revenons à ce poème, apparemment plus facile donc que le reste de l’œuvre de Char : il me semble qu’il s’agit d’un éloge de la patience et de la révolte, d’un éloge du regard de celui qui sait voir.
Chaque révolte, même apparemment ratée, porte en elle les germes de la révolte future. La cendre n’est pas tant le lieu de la repentance définitive, comme chez Job, que la couverture temporaire d’un sol fécondé et enrichi par cette même cendre.
La fin de l’automne n’est que la promesse d’un futur printemps, et ce n’est pas être complice de l’hiver que de s’en réjouir.
Ce texte est enfin l’occasion de présenter mes talents de poète : en 2011, soucieux de me faire connaître et de battre Rimbaud dans la course à la précocité, je participais à un concours (national !) de poésie organisée par une chaîne (nationale !) de fleuristes, en hommage à un célèbre poème de du Bellay (le nom de la chaîne étant très directement inspiré du poème, je ne peux pas aller plus loin dans la citation).
Dur à l’effort, j’ai atteint la troisième place, grâce à ces vers audacieux :
« Ma chérie, va donc voir si la rose,
Désire quelque chose,
Et si c’est le cas,
Nous lui fournirons un encas ».
Gaspard Doumenc, in Mignonne, allons voir si la rose, janvier 2011
René Char n’est pas si loin, on devine une philosophie de la nature tout héraclitéenne et, diffusément, nietzchéene. Terrifié par la précocité de mes dons, je décidais alors d’arrêter la poésie, à un peu moins de douze ans.
Onze ans plus tard, plus confiant dans mes capacités de manager que de poète, je me présente donc à vous.
Un bon manager a besoin de gens à bien manager, aussi l’APPF Jeunes recrute.
Quelle est notre ambition ? Fonder et animer une communauté de jeunes attirés par la poésie, d’abord autour de soirées poétiques, ensuite autour de projets.
A bientôt et bonne lecture !
Gaspard Doumenc
Vice-Président, en charge du Pôle Jeunes
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Redonnez-leur
« Redonnez-leur ce qui n’est plus présent en eux
Ils reverront le grain s’enfermer dans l’épi et s’agiter sur l’herbe
Apprenez-leur, de la chute à l’essor, les douze mois de leur visage
Ils chériront le vide de leur cœur jusqu’au désir suivant
Car rien ne fait naufrage ou ne se plaît aux cendres
Et qui sait voir la terre aboutir à des fruits,
Point ne l’émeut l’échec quoiqu’il ait tout perdu. »
René Char, « Redonnez-leur », Fureur et mystère, 1948.
Illustration : René Char