Saudade
À qui le tour?
C’est ton tour, cette semaine », m’écrit Anne Capron dans un SMS rapidement lancé par les airs.
Mon tour, son tour,… à chacun son tour pour les poésies que nous vous proposons tous les 15 jours dans le cadre de votre adhésion et soutien à notre merveilleux projet APPF. Des tours de poésie comme des tours de manège, à l’exception près que, vous choisir un poème, le contextualiser, écrire un mot, tout cela est assez exigeant.
Partager ma très belle lecture du moment, pour votre plaisir, je l’espère, sera la réponse de mon tour.
Voici donc deux textes de Benjamin Porquier, tirés de « Saudade », son second et dernier recueil édité par La Crypte (2023).
À vingt-quatre ans, il a quitté la France pour six mois. Il n’y est jamais vraiment revenu. Il a d’abord été ingénieur, puis s’est brûlé le cuir sous le soleil saoudien et le cœur sur bien des tables coréennes. Il a goûté à une liberté totale en Nouvelle-Zélande, à la façon d’un vagabond, a cueilli les olives dans les Pouilles et dansé le tango sous les portiques de Bologne. Il a vécu l’Amazonie à travers les chants et rituels des maîtres curandeiros.
Désormais, il mène une vie plus paisible à Bruxelles où il écrit en français, rêve en néerlandais, mange en italien, et lutte avec tant d’autres pour ne pas ployer sous les assauts répétés du ciel de la grande Babel – c’est-à-dire : il s’occupe de poésie.
Saudade, comme un chant nostalgique dans cette époque qui nous touche et nous perturbe, comme un appel à plus de douceur entre les identités, comme une invitation à trouver sa place, la vraie, dans ce monde en mouvement, bref, plongeons avec nostalgie, mais espoir de lendemains plus paisibles.
Le recueil a été illustré par Christian Porquier, son père, peintre et poète (cf. ci-dessous). Une écriture picturale à la façon d’un mur qui s’efface avec le temps qui passe.
Enfin, pour conclure, si vous n’aviez pas le temps de goûter à ce texte, sachez qu’une partie de nos quarante-sept poésies déjà diffusées sont lues par nos comédiens le jour de votre anniversaire (ah oui, il faut avoir l’option..!).
Vous aurez d’ailleurs le plaisir de faire connaissance avec ces derniers, Tanguy et Malou, en les retrouvant pour une lecture dans les salons de l’Hôtel Napoléon le 6 décembre prochain lors de la remise du Prix APPF 2023.
Que de bonheurs à venir !
Bonne lecture !
Matthieu Jacquillat
Président APPF
P.S: j’ai conscience de proposer deux textes d’accès difficile, mais partager et faire découvrir fait partie de nos objectifs, non? Alors, prenez le temps de quelques lectures, sans négliger celle à voix haute, et toujours se souvenir d’Elle, Saudade…
Son blog : https://benjaminporquier.wordpress.com/ Acheter le livre à la Fnac ou chez l’éditeur : https://www.editionsdelacrypte.fr/catalogue-editions-de-la-crypte/hors-collection/saudade/
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bien sûr il y a les murs repeints
les lampadaires qui ricanent
il y a les sérénades de banc public
oubliées par CEUX qui les avaient gravées
mais il y a les vergers du ciel aussi
parfois une nouvelle lueur
parfois le tonnerre
parfois une comète
ce très, très vieux poème
elle ne s’entête pas à faire du ciel,
le contraire de elle
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elle ne gagne rien
à trier les gouttes d’eau éparpillées dans les flocons du temps
sinon de petits poèmes océans
qui confluent
sur la carapace de la ville
puis s’évaporent à la saison des pigeons
laissant dans leur sillage de fragiles archipels de sel
« Saudade » de Benjamin Porquier – paru aux éditions La Crypte – Septembre 2023
Illustration : Christian Porquier