Nuits de noces
Juin !
Ou le temps comprimé
Voici le temps du soleil de l’été qui commence à poindre, des fêtes insouciantes en famille ou entre amis, des mariages aussi…
Voici le temps comprimé de juin, où il faut finir au plus vite, au long de jours qui se resserrent de plus en plus, tout ce qui doit être fait, toutes les résolutions prises devant trouver aboutissements avant le départ, le départ vers quelques semaines de congés.
Allégorie de la vie qui passe, ou simple introduction de la dernière pépite lue il y a peu.
Dès les premiers mots, c’est la flamme qui jaillit, celle d’un plaisir intérieur immense face à la beauté des mots et des textes, la virtuosité avec laquelle une histoire est racontée, en poésie. Que cela fait du bien !
Du coup j’ai eu envie de partager avec vous ce merveilleux recueil sur l’amour impossible, l’amour vainqueur, puis le temps d’une vie, trop vite, trop court, avec ses errements et questionnements. « Nuits de noces » de Violaine Bérot est ce petit livre. Trente-deux poésies en prose narrent en moins de 90 pages un coup de foudre, l’amour, le temps, la vie, la mort, l’absence. Quel diamant littéraire.
Le partager restait une difficulté, car tout le livre est poésie ! Il me faut donc contextualiser un peu cela afin de pouvoir l’appréhender. L’auteure narre l’histoire de l’amour d’une jeune femme – tenue trop serrée par un père trop sévère – pour un prêtre ! Elle y parvient grâce au temps son allié, son amour, sa force puis tout s’enchaine passionnément jusqu’au bout ! L’histoire concentrée d’une vie et son urgence à la vivre, le livre est si petit !
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« Dès le premier moment aperçu et aimé
instantanément
lui
l’homme interdit
le prêtre
là
devant la foule.
Dès le premier moment convaincue
moi
que lui serait
l’homme de ma vie.
Et mon père
sévère, dur, une terreur
mon propre père qui veillait sur moi comme les poules sur leurs grains
mon propre père disait
« qu’elle aille à la messe, là au moins elle ne rencontrera pas de garçon »
mon propre père
– haha –
bien pris à son propre piège.
Dix-neuf ans et demi j’avais
pas même vingt
et pourtant l’absolue certitude
l’instantanée certitude
lui
lui et aucun autre
lui, l’homme interdit
l’homme de messe
pour moi
rien que pour moi.
Et de l’adversaire
même pas peur
pourtant
l’adversaire
pas une femme, pas une joie fille, non
bien mieux, bien plus grand, bien plus fort
l’adversaire suprême
Dieu
Dieu et toute la Sainte Église
et moi j’avais dix-neuf ans et demi
et même pas peur
même pas. »
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Quelques pages plus loin, ce prêtre lui dit, « je vais t’aider », elle entend « je vais t’aimer »…. Je vous passe alors les péripéties multiples, les temps à attendre, les colères contre l’impossible amour, etc. Six années plus tard, la lettre, enfin, « veux-tu devenir ma femme » !
Et puis tout s’enchaine à nouveau dans des jours précieux à rattraper, où le temps s’accélère et se comprime encore.
Je ne peux donc pas, vous l’aurez compris, ni partager toutes les poésies de ce livre, ni vous raconter toute l’histoire – vous aurez peut-être le plaisir de la lire – mais je termine donc cette présentation pour vous, longue j’en conviens, mais pour la cause, avec cette poésie 18 sur quelques questionnements de vie.
Bonne lecture à suivre avec cette auteure contemporaine qui s’aventure avec talent hors des sentiers battus de ses romans.
Matthieu Jacquillat
Président de l’APPF
En savoir plus sur l’auteure
https://fr.wikipedia.org/wiki/Violaine_Bérot
En savoir plus sur le livre
https://lacontreallee.com/media/2022/12/nuits-noces_argu.pdf
Références du livre : Nuits de noces – Violaine Bérot – La Contre Allée – 2023, 13,5 x 19 cm, 96 p. – 15 €
https://www.fnac.com/a17640094/Violaine-Berot-Nuits-de-noces
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« Et parfois la panique
si l’histoire ne durait pas
si elle s’endormait
notre si belle histoire.
Parfois
de plus en plus
la panique.
Alors tout agiter
tout secouer
tout ébranler
remuer la cendre pour retrouver la braise
souffler dessus
souffler pire que le vent d’autan
pour que ça flambe, grand Dieu
que ça rugisse
que l’homme épousé tremble pour moi à nouveau
qu’il frémisse comme au début
comme à la toute première de toutes les nuits de noce.
Et sans doute je tiens ça de mon père
ne rien laisser en paix, tout faire voler, tout attiser
et tant pis si c’est violent, c’est de famille
je n‘y peux rien, c’est dans mon sang
tant pis si c’est violent
du moment que l’histoire
reste
éblouissante.
Parce que sinon la peur
la peur qui rôde
peur de le perdre
lui
l’homme tant voulu
peur que s’éteigne
l’amour folie qui brûlait tout sur son passage
plus fort que Dieu et sa Très Sainte Église
peur qu’il se rapetisse
notre amour
peur à en devenir dingue
à me taper la tête contre les murs
à me fracasser du haut d’une falaise
parce que
laisser diminuer notre amour
non »
Nuits de noces – Violaine Bérot – La Contre Allée
Illustration : Couverture du recueil de Violaine Bérot, « Nuits de Noces »